In the mood for love

de Wong Kar-Wai

 

Attention, chef d'oeuvre, et je ne dis pas cela très souvent (à part pour Hiroshima, mon amour) !

Tout est parfait, dans In the Mood for Love, de l'histoire (triste, mais les histoires d'amour joyeuses ne font pas des films très intéressants...) à la photographie, en passant par la sublime musique (Quisaz, quisaz, quisaz...)

Je l'ai vu à sa sortie à Bruxelles sur grand écran, avec l'ami cinéphile qui m'avait recommandé Les Trois couronnes du matelot et qui cria au chef d'oeuvre aussi, ce qui ne lui arrive pas tous les jours non plus.

A mes yeux c'est "le" chef d'oeuvre de la dernière décennie, je n'en vois pas d'autre qui ait combiné à ce point l'élégance  de l'histoire et des sentiments, celle de la photo (sublime !) et de la musique (légère et poignante à la fois), sans parler de l'esthétisme époustouflant de l'ensemble, de sa légèreté et de sa gravité mélangées.

J'ai été le revoir une seconde fois sur grand écran (ah, et vive le CCJF de Bruxelles ! :-)), puis le dvd est sorti et je l'ai vu ensuite de multiples fois, auxquelles il résiste comme si c'était la première, à l'image d'Hiroshima mon amour ou de Les Ailes du désir) !

Sans doute est-ce cela qui fait les films cultes, nimbés qu'ils sont d'un mystère impossible à percer ?

Celui de la perfection, sans doute...

Je vous laisse avec ces impressions d'Arnaud Caire : une humeur amoureuse à laquelle auront succombé bien des spectateurs ! Mais il est vrai, comment résister à la grâce évanescente de Madame Chan et à son incroyable garde-robe ? Mais surtout comment raconter une histoire qui ne se raconte pas ? Car tout n’est ici qu’affaire d’ambiance, de sensations : les vapeurs d’un restaurant, l’espace étroit d’un couloir ou d’une chambre, le cadre d’un miroir où les regards se perdent. Les personnages de Wong Kar-Wai, magnifiés par l’extraordinaire photo de Christopher Doyle ou confinés dans des angles de prises de vues impossibles, se croisent, s’effleurent, et c’est toute la magie d’une histoire d’amour naissante que le cinéaste sublime et fait perdurer jusque dans le silence du temple millénaire d’Angkor. In The Mood For Love apparaît d’emblée comme un aboutissement de son style intimiste et dépouillé, essence d’un cinéma en recherche d’impressions fugitives et de non-dits. Une sensibilité et une sensualité à fleur de pellicule qui n’est pas sans rappeler son deuxième film Nos années sauvages, qui se passait également dans les années soixante et rassemblait déjà Maggie Cheung et Tony Leung. Un petit joyau visuel à la fois intense et pudique, comme sait si bien le faire le cinéma asiatique. 

Attention, 2046, qui se veut la suite de In the mood for love est excessivement décevant, à mes yeux en tout cas, et je l'ai vu deux fois sur grand écran pour tenter de percer le mystère de cet incroyable ratage (que je n'ai hélas pas vraiment percé), tellement je ne pouvais me résoudre à une telle déception !

Pour les cinéphiles qui aiment lire aussi, ne manquez pas de découvrir Tête bêche (de Liu Ychang), dont Wong Kar Wai s'est inspiré pour In the mood for love.

En apparence cela n'a rien à voir, le rapport avec le film est infiniment ténu (adaptation d'autant plus fascinante !), et pourtant...

Voici ce qu'en dit Hong-Kong-cityguide.com :

Dans le roman de Liu Yichang, les deux personnages se reflètent en un jeu de miroirs subtil. Elle est jeune aux prises avec l’avenir ; lui, d’un âge plus avancé est habité par le passé. Dans le Hong Kong en pleine mutation des années soixante, ils parcourent les mêmes lieux, croisent les mêmes personnes, assistent aux mêmes évènements, sans jamais se rencontrer. 

Ils nous sont révélés par une alternance de séquences minimalistes à la construction musicale, fondée sur des jeux de symétrie et de contraste. «Ce roman, sans intrigue, d’une écriture novatrice » souligne l’éditeur Philippe Picquier, « met l’accent sur l’explosion sensorielle des différents langages : celui des corps, de la lumière, du temps, de la pensée et du rêve, des paroles intérieures et des silences exprimés. »