L’heure est grave. Pourquoi certains auteurs, quoi qu’ils écrivent, quoiimages-2 qu’ils disent, sont-ils automatiquement propulsés sur le devant de la scène et/ou encensés, alors que d’autres, dont les qualités ne sont pas moindres, sont plus ou moins systématiquement passés sous silence ? Cela doit tenir à la sacro-sainte présence médiatique et cela commence à bien faire !

Unknown-6Parce que ces auteurs-là (les plus discrets, bien contre leur gré, j’imagine) sont régulièrement meilleurs que les auteurs dits médiatiques, qui le sont à cause de leur vécu, ou de leur personnalité, et plus rarement à cause de leur écriture. Ils sont bien frileux, ces journalistes qui vont automatiquement vers ce(ux) qu’ils connaissent déjà, sans prendre le risque d’arpenter les chemins de traverse. Et c’est ainsi que l’on nous parle toujours des mêmes…

Pourtant, il y a des pépites cachées derrière, et d’une autre tenue que ceUnknown que l’on nous propose systématiquement ! Il y a une semaine ou deux, je recensais sur ma page Facebook professionnelle René Frégni pour Je me souviens de tous vos rêves (Gallimard), un bien bel auteur à valeur humaniste ajoutée et un excellent styliste à mi chemin entre Giono et Bobin, et m’étonnais de ne pas l’avoir croisé jusque là, si ce n’est par hasard à La Grande Librairie. Pourtant, cet auteur Gallimard est prolifique et publié également en Folio. Comment ai-je pu passer à côté alors que je travaille dans l’édition et que je lis énormément ? Peut-être ne suis-je pas la seule responsable, et sans doute que les journalistes littéraires (certains, en tout cas) ont leur rôle à jouer ? Le silence médiatique tue un livre aussi sûrement que le « buzz » l’encense à tort (le plus souvent). Je comprends mal, nous avons pourtant en francophonie nombre de journalistes littéraires de qualité, alors pourquoi cet aveuglement ou ce parti pris ?

51cjP+gKkrL._AC_US160_Même souci pour le livre dont je voudrais vous parler aujourd’hui, Flora et les sept garçons de Dominique Dussidour, un recueil de nouvelles publié à La Table ronde. Certes, qui dit recueil de nouvelles dit déjà livre à « valeur automatiquement minorée » (et c’est bien regrettable) tant le genre est peu prisé en France, contrairement aux pays anglo-saxons où il jouit de la même considération que le roman.

Le titre est peut-être trompeur aussi qui peut laisser augurer d’un livre deUnknown contes, ce qui n’est pas forcément du goût de tout le monde. Pourtant, la première nouvelle est un astucieux remake du Petit Poucet. Après quoi, je me suis laissée porter, emporter, charmer et enchanter par ce livre pour sa deuxième histoire, puis la troisième et ainsi de suite, lues d’une traite ! Chacune est différente, étonnante, particulière dans sa thématique ou son lieu, exotique ou pas, et l’on se promène gaillardement d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre, avec ces histoires de filles, de jeunes filles, de jeunes femmes et de femmes aux prises avec leurs vies, leurs envies, leurs défis. Le style est éblouissant et je pèse mes mots, un véritable travail d’orfèvre qui m’a enchantée et impressionnée de bout en bout. Or les lecteurs de ce blog savent que je m’enthousiasme rarement ! Les plumes de ce calibre-là sont de plus en plus rares, sans doute sont-elles trop complexes pour nos pauvres contemporains assoiffés de facilité, d’où le silence qui les entoure ? C’est lamentable. Et tellement emblématique de notre société du consommer mal et vite où l’on s’étonne de rester sur sa faim après avoir été au McDo.

imagesDuras, pour qui j’ai beaucoup d’admiration, l’avait dit en son temps, en substance c’était : Il y a beaucoup de livres, mais il y a peu d’écriture. Et ce doit être exactement cela, le problème de Dominique Dussidour. Elle fait de la littérature, quelle drôle d’idée ! En plus, c’est une multirécidiviste, auteur de huit livres chez de grands éditeurs ! Elle non plus, je ne la connaissais pas, alors que pourtant je traque régulièrement les pépites ! Honte à moi, sans doute, j’ai dû mal chercher, mais je ne dois pas être la seule coupable, et il est bien triste ce paysage « littéraire » actuel où l’on nous fait prendre en permanence des vessies pour des lanternes, où l’on nous parle à tout bout de champ de littérature alors que l’on nous vend en quasi permanence de simples livres – et la différence est de taille ! Ce nivellement par le bas ne cesse de m’insupporter, cette manière aussi que l’on a de prendre le lecteur lambda pour un imbécile ! Révoltez-vous, achetez des livres de qualité, de la littérature, donc ! Ecrivez-en aussi, même si, en toute logique, c’est quasiment impossible à faire publier.

Il reste de bons éditeurs, en France (et en francophonie en général) nousUnknown-4 avons cette chance-là : soutenez-les, achetez leurs livres pour avoir la chance de trouver encore à lire autre chose que du « prêt à penser » dans les années qui viennent ! Lisez René Frégny, lisez Dominique Dussidour et vous verrez la différence avec les habituelles têtes d’affiches ! Osez sortir des chemins maintes fois balisés et surmédiatisés. Osez la surprise, l’enchantement, en bref, osez la qualité ! Redécouvrez ce qu’est un écrivain, un vrai, quelqu’un doté d’un univers et d’une voix, pas forcément quelqu’un qui sait se vendre à la télé, je m’en suis expliquée déjà dans cet article-ci.

Lisez Je me souviens de tous vos rêves, lisez Flora et les sept garçons, des livres d’écrivains, des vrais, pas des sous-produits ou des ersatz frelatés ! Je serais étonnée que vous le regrettiez.

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N’hésitez pas, en commentaires ou par mél, à me faire part de vos pépites, je serai ravie d’en prendre connaissance, et éventuellement d’en parler.

Si vous êtes un (petit) éditeur de qualité, n’hésitez pas à me faire parvenir vos ouvrages en SP, surtout s’ils sont féminins, atypiques, intimistes ou à forte teneur psychologique ; s’ils me plaisent, je les recenserai.

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3 commentaires

  1. Voilà enfin un éditorial qui est un manifeste pour une écriture authentique et la publication d’écrivains qui créent un univers singulier au fil des livres et des années. Votre voix critique mériterait d’être virale au sein des éditeurs et commentateurs médiatiques. Les livres étalés sur les tables de librairies devenues des cimetières ne seraient plus alors autant de tombes où gisent les mots de scribouillards célèbres…